Looking at design through the lens of social sciences

  • A new field of study and topic that change each year. 
  • Students work in small groups and conduct a ‘flash’ empirical study. 
  • 5 days of workshops and fieldwork. 
  • Formulate a research problem, devise original methodologies, carry out an investigation by collecting empirical data, analyse it and present it.

Co-existence entre vies humaines et non-humaines


,

Gabrielle, Erell, Natacha, Paige, Amélien , Max

SOMMAIRE:

1. Mais c’est quoi le non-humain ?

2. Questionnaire commun

3. Notre question de recherche

4. Notre guide d’entretien et outil cartographique

5. Entretien expliqué : journal de bord

6. Récolte de données

7. Interprétation des données

8. Ouverture

1. Mais c’est quoi le non-humain ?

Arpentage et premiers repères sur le terrain

Au début de ce projet, nous nous sommes rendus sur le terrain pour mener quatre entretiens exploratoires à l’aide de questions ouvertes adaptées à chaque participant. Ces conversations visaient à saisir les sentiments des participants vis-à-vis du sujet et les idées qui émergeaient à partir de différentes questions. Nous avons tenté de donner la parole à des non-humains afin de stimuler l’imagination des participants et de réorienter leur place dans le Plateau par rapport aux non-humains. Ces échanges ont mis en évidence des thèmes récurrents tels que les itinéraires quotidiens et l’attention accordée aux non-humains. Les participants ont souvent mentionné la pollution, ce qui a mis en évidence la tension qui existe dans la relation entre les humains et les non-humains, tout en montrant que même si les non-humains sont présents partout, ils sont sous-représentés dans l’imaginaire collectif du Plateau.

Ce travail de terrain initial nous a aidés à identifier les questions qui méritaient d’être approfondies et à élaborer un meilleur guide d’entretien. Il a également révélé l’incertitude qui entoure les moyens possibles d’améliorer les relations entre les humains et les non-humains, ainsi que l’ambiguïté du terme « non-humain ».

Lectures d’inspiration

Dans notre recherche de définition du non-humain, nous nous sommes appuyés sur des lectures de philosophie et d’histoire de l’art, avec Baptiste Morizot et Estelle Zhong Mengual. Leurs approches aux vies non-humaines apparaissent majoritairement à travers la relation que les humains entretiennent avec elles. Les vies non-humaines sont donc toutes celles autres qu’humaines, comprenant les mondes végétal, animal, fongique, bactérien,…

Mais ce qui nous intéresse ne réside pas en une approche biologique du vivant non-humain, mais bien dans l’idée de co-existence. Ces deux auteurs ont d’ailleurs une interprétation originale de cette co-existence, dénonçant un anthropocentrisme globalisé de nos sociétés. Dans son livre Apprendre à voir, Estelle Zhong Mengual questionne notre regard sur le non-humain et leur habitat (à entendre ici la Nature au sens paysager du terme). Que ce soit à travers la peinture de paysage, ou encore les planches botaniques parues dans l’encyclopédie, le vivant non-humain y est représenté à travers une domination, un contrôle. La Nature est tantôt pittoresque selon un point de vue humain, tantôt classifiée et prête à une exploitation. Baptiste Morizot dénonce quant à lui une crise relationnelle au vivant non-humain, regrettant leur existence dans nos réalités humaines. Son livre L’inexploré est une invitation à l’attention et à la considération de cet ensemble d’existences non-humaines que l’on côtoie. Ce livre est une ôde au banal, au commun de la nature qui nous environne, et aux multiples vies qui la peuplent. Les notions d’exploration et d’émerveillement sont abordées, renversant notre passivité habituelle à nos voisins du quotidien.

2. Questionnaire commun

Datas quantitatives de l’expérience du non-humain par des usagers du plateau de Saclay

Au travers du questionnaire commun, nous avons posé 4 questions aux usagers :

  • Quels animaux avez-vous vu sur le plateau ?
  • À quel moment les avez-vous vu ?
  • Comment occupez-vous vos trajets ?
  • Diriez-vous que votre/vos espaces de travail se situent au sein d’un espace naturel ?

Plusieurs types d’animaux ont été aperçus par les usagers, mais ceux qui reviennent le plus sont les oiseaux, les chats et les chiens. Il est tout de même important de noter qu’il y a en tout 8 catégories différentes d’animaux qui ont été recensées, alors même que celles-ci sont très larges, indiquant une faune tout de même présente sur le plateau. Ces animaux ont été majoritairement observés le matin (34.5%) et l’après-midi (25.5%), et moins souvent le soir (23.6%) et la nuit (16.4%). Pour ce qui est de leurs trajets sur le plateau, les usagers ont majoritairement affirmé occuper leur temps en observant le paysage (16), mais aussi avec leur téléphone ou un écran (11), en lisant (5) ou autre (8). Cela signifie donc que le paysage du plateau est suffisamment agréable visuellement pour que la majorité des usagers préfèrent le regarder plutôt que leur téléphone ou autre chose. Finalement, il y a quand même une écrasante part des usagers (64%) qui ne considèrent pas leurs espaces de travail comme se situant au sein d’un espace naturel.

3. Notre question de recherche

Ces explorations in situ et littéraires nous ont mené à définir une question de recherche. Interroger la co-existence entre vies humaines et non-humaines sur le plateau de Saclay semble aller à contre-courant du gigantesque projet d’expansion urbaine qui s’y déroule. Néanmoins, nous souhaitons hybrider cette réalité bétonnée avec les témoignages des habitants et usagers de Saclay. En suivant la pensée de Baptiste Morizot, nous allons tenter de récolter des expériences de cet “inexploré”, de ce banal environnant, afin de porter un regard nouveau sur le plateau de Saclay et d’en imaginer un idéal de co-existence avec les vies non-humaines. 

Comment transformer le récit de planification idéale afin de réintroduire le non-humain dans notre imaginaire et expérience du plateau de Saclay ?

4. Notre guide d’entretien et outil cartographique

Afin de comprendre la manière dont les usagers vivent et perçoivent le plateau de Saclay, ainsi que leur relation aux formes de vie non humaines, nous avons conçu un guide d’entretien structuré en trois grandes parties.
L’objectif était de recueillir des récits d’expérience situés, tout en amenant progressivement les enquêté-es à réfléchir à la cohabitation entre humains et non-humains, puis à formuler des projections plus idéales pour ce territoire.

Nous avons opté pour un entretien semi-directif : le guide fournissait une trame commune, mais laissait une grande place à la parole libre, aux digressions et aux relances. Cette posture nous a permis d’assurer une comparabilité minimale entre les entretiens tout en restant ouverts aux éléments inattendus.

Support cartographique et rôle dans l’entretien

Nous avons utilisé une carte du plateau de Saclay comme support central de l’entretien.
Elle servait à la fois d’outil de localisation, d’“accroche” visuelle pour lancer la discussion et de moyen de co-construction du récit avec l’habitant-e.

L’enquêté·e était invité-e à manipuler un “calque d’entretien” pendant l’entretien, et non simplement à regarder la carte. Nous avons introduit trois types d’actions, formulées avec un vocabulaire simple et accessible :

  • Pointer : indiquer des lieux précis
    (ex. habitat, lieu d’études, travail, loisirs, lieux où la personne “passe souvent”)
  • Tracer : dessiner des trajets
    (ex. trajets quotidiens, trajets ponctuels, chemin du matin, itinéraires récurrents)
  • Zoner : entourer des zones
    (ex. “espaces vécus”, zones agréables, espaces perçus comme naturels, zones de non-humain)

Ce vocabulaire simple (pointer / tracer / zoner) a été choisi pour dédramatiser la carte et encourager une manipulation intuitive plutôt qu’un usage “expert”. L’idée n’était pas de produire une cartographie précise, mais de faire parler les habitants à partir de leurs pratiques : où ils habitent, où ils circulent, où ils se sentent bien, où ils perçoivent des présences non humaines, etc.

La carte a aussi joué un rôle important pour introduire progressivement certains mots-clés de l’enquête, sans les imposer d’emblée : en passant des trajets aux lieux agréables, puis aux espaces “non bâtis” ou “naturels”, jusqu’à l’“habitat non-humain”, nous pouvions faire glisser la conversation du quotidien humain vers la co-existence avec les non-humains, tout en restant ancrés dans des lieux concrets.

Visuellement, ce dispositif permettait de garder une trace du récit de l’habitant·e sous forme de couches successives (lieux, trajets, zones humaines, zones non humaines), réactivables dans la suite de l’entretien, notamment lorsqu’il s’agissait de parler de co-habitation ou d’idéaux de transformation du plateau.

Déroulement du guide d’entretien

Partie 1 – Expérience spatiale et ancrage sur le plateau

La première partie du guide visait à situer l’enquêté-e dans son expérience quotidienne du plateau de Saclay.
En s’appuyant sur la carte décrite ci-dessus, la personne était invitée à :

  • Pointer certains lieux (habitat, travail, études, loisirs)
  • Tracer ses trajets réguliers (quotidiens ou ponctuels)
  • Zoner des espaces vécus (zones agréables, lieux fréquentés, etc.)

Cette étape factuelle était accompagnée de questions comme :

  • « Où habitez-vous actuellement ? Où habitiez-vous auparavant ? »
  • « Quels trajets faites-vous habituellement sur le plateau ? »
  • « Dans quels lieux aimez-vous vous rendre ? »

Nous nous intéressions également à l’attitude d’observation de l’enquêté-e vis-à-vis de son environnement (par exemple : écoute de musique pendant les trajets, attention portée au paysage, etc.).
Cette première partie permettait de poser le contexte, de mettre l’enquêté-e en confiance et de l’ancrer dans ses pratiques concrètes de déplacement et d’habiter.

Partie 2 – Sensible et attention aux vies non humaines

La deuxième partie du guide visait à rendre l’enquêté-e attentif-ve aux formes de vie non humaines présentes sur le plateau.

Dans un premier temps, nous cherchions à faire émerger une définition personnelle du “non-humain”, à travers des questions telles que :

  • « Pouvez-vous essayer de définir le non-humain ? »
  • « Pouvez-vous donner des exemples de non-humains que vous croisez sur le plateau de Saclay ? »
  • « Est-ce que vous en faites souvent l’observation ? »

Nous revenions ensuite à la carte pour situer l’“habitat non-humain”, en utilisant une autre couleur :

  • Zoner les espaces perçus comme “naturels” ou non bâtis
  • Pointer des lieux connus ou appréciés pour leur dimension non-humaine (lac, espaces verts, zones boisées, etc.)

Cela nous permettait d’aborder les concepts de co-existence et de co-habitation entre humains et non-humains, en posant par exemple :

  • « Pourriez-vous parler de co-habitation entre humains et non-humains sur le plateau de Saclay ? »
  • « Comment définiriez-vous cette co-habitation (apaisée, déséquilibrée, équitable, impossible, etc.) ? »

Cette partie comprenait également un volet sur le ressenti humain, avec des questions sensibles et situées : observation régulière d’êtres non humains, perception de la saisonnalité, rapport à la pluie, projections plus imagées (« À quoi ressemblerait un endroit pour écouter la pluie ? », « Dans quel film avez-vous l’impression d’être ici ? », etc.).

Enfin, nous proposions un exercice de projection à la place du non-humain, invitant l’enquêté-e à imaginer ce que pourrait “dire” un être non humain (par exemple le lac de Polytechnique, un arbre, un canard, une abeille, une “mauvaise herbe” ou un renard) sur sa vie sur le plateau, ses besoins et ses rêves.

Cette partie avait pour fonction d’ouvrir un espace d’imaginaire et d’empathie envers les non-humains, au-delà du simple constat.

Partie 3 – Projections et co-habitations idéales

La troisième partie du guide visait à amener l’enquêté-e vers des projections normatives : que serait, pour lui/elle, un plateau de Saclay idéal, du point de vue des humains et des non-humains.

Du côté des humains, nous interrogeions :

  • les manques ressentis en termes d’infrastructures et de services (« En tant qu’usager du plateau, y a-t-il des infrastructures qui vous manquent ? De quoi auriez-vous besoin / envie ici ? »),
  • les changements souhaités pour améliorer la qualité de vie.

Nous élargissions ensuite la question à la co-habitation entre humains et non-humains :

  • « Que faudrait-il changer pour que le plateau soit un lieu idéal de co-habitation entre humains et non-humains ? »

Du côté des non-humains, nous prolongions l’exercice de projection en demandant à l’enquêté-e de se mettre à la place d’un être non humain de son choix :

  • « De quoi auriez-vous besoin / envie sur le plateau de Saclay si vous étiez [tel non-humain] ? »
  • « Que faudrait-il changer pour que le plateau soit un lieu idéal pour les non-humains ? »

Cette dernière partie permettait de faire émerger des pistes d’aménagement, de protection et de transformation du territoire, formulées du point de vue des usages humains mais aussi des besoins des non-humains.

5. Entretien expliqué : journal de bord

Les entretiens se sont déroulés sur plusieurs jours, nous nous sommes répartis la tâche entre les membres du groupe afin de multiplier les lieux de récolte de paroles et d’expériences. Les différents entretiens que nous avons menés en duo seront notre matière de travail principale afin d’essayer de comprendre comment s’établit la relation entre humains et non-humains sur la plateau de Saclay. Quelles sont les dynamiques en place et comment cette relation s’exprime-t-elle ? Nous avons choisi de collecter des données qualitatives à travers des entretiens sur site, ce qui nous à semblé plus adapté que des données chiffrées uniquement pour aborder la question des rapports de domination entre humains et non-humains.

Nous allons nous appuyer sur un entretien qualitatif que nous avons mené avec une habitante de la commune d’Orsay nommée Laetitia. Cet entretien exemplaire nous permettra de comprendre comment ces derniers se sont déroulés, les informations que nous cherchions à obtenir et la manière dont nous avons interprété les données.

Jeudi 13 novembre, 11h07 – Matinée lumineuse mais nuageuse, Place Marguerite Perey

Nous installons notre dispositif d’entretien sur les tables qui sont mises à disposition sur les pelouses devant le campus de Télécom Paris. La place est déserte à cette heure de la journée car nous sommes en heure creuse et tout le monde est affairé ailleurs. Au moment ou nous hesitons à partir bredouille, une femme gare sa voiture le long de barrières de chantier du métro et passe devant nous, elle vient récuperer un colis avant de rentrer chez elle, elle à un peu de temps à nous accorder et accepte de discuter avec nous.

Nous lui faisons signer les documents obligatoires de consentement et lui expliquons comment va se dérouler l’entretien, nous lui présentons l’outil cartographique qui nous permettra de voyager dans les espaces évoqués et de de situer des lieux marquants au fil de l’échange.


Première partie de l’entretien

Factuel : se situer sur le plateau.

Laetita ne vient pas souvent ici, seulement pour récupérer des colis. Elle n’aime pas trop les hauteurs du plateau depuis qu’il y a eu les “grands travaux”. Elle vient en voiture par la N118, l’axe principal qui permet de monter depuis la vallée, elle trace son trajet sur la carte tout en parlant. Elle habite à Orsay depuis plus de 20 ans et à vu la vitesse à laquelle tous les changements ont eu lieu, la vallée s’est métamorphosée sous ses yeux. Elle ne “pratique” pas le plateau surtout si c’est pour aller se promener elle préfère aller au Lac du Mail ou s’éloigner encore dans la vallée de Chevreuse. Elle se rappelle qu’elle vient aussi sur le plateau pour aller à la déchetterie et à l’hôpital. Elle rit. “Belle métaphore” lance-t-elle.

Seconde partie de l’entretien 

Sensible : Se rendre attentif.ve aux vies non-humaines.

Laetitia se dit “amoureuse de la nature” , elle adore se promener, s’occuper de son jardin et elle est très attentive aux signes qui lui sont faits par les animaux, les arbres et les sols. Elle se déplace en moto avec son mari et lorsqu’elle est à l’arrière, elle prend plaisir à regarder les arbres défiler, les champs à perte de vue.

Nous demandons à Laetitia de définir ce que serait le non-humain selon elle.

“Tout ce qui est nature, à savoir la faune, toute la faune et toute la flore.”

Laetitia s’amuse de ces questions sur son attention à la nature car justement tout à l’heure au volant elle aperçoit une buse dans un champ, elle place une gommette sur la carte pour indiquer l’endroit. C’est tellement rare que c’est un heureux hasard.

Nous lui demandons de zoner sur la carte les lieux qu’elle perçoit comme des espaces naturels.

Elle réfléchit, et la question ne semble pas évidente. Il y a peu d’espace qu’elle perçoit comme naturels dans le plan resserré, alors nous passons au plan large ou elle peut zoner la vallée près de chez elle, le Bois des Rames.

Les espaces verts sont vraiment peu perceptibles même si ils sont majoritaires dans la représentation cartographique, le ressenti n’est pas celui-ci.

“C’est très déséquilibré. Selon moi. Dans le sens où il y a des changements brusques.”

Troisième partie de l’entretien

Amener vers des projections : vers des co-existences, co-habitations idéales

Laetitia n’est pas étudiante sur le plateau alors elle le perçoit d’un œil distant. Et pour quelqu’un comme elle, ce n’est pas un endroit de coexistence, que ce soit entre humains ou entre humains et non-humains

Elle trouve que c’est trop bétonné. Peut-être qu’il pourrait y avoir plus de verre, plus de transparence. Et pour ce qui qui de la coexistence avec les animaux, elle pense que ce n’est pas vraiment le cas.

“Mon ressenti c’est que j’entend quelques cuicuis, mais sinon, c’est comme en ville ici, en fait. Bon, il y a eu la buse tout à l’heure, ça c’est bien, mais c’est dans une partie qui est encore préservée. Et préservée pas pour longtemps, un chantier va démarrer sûrement. Donc on est sur un déséquilibre je trouve, qui du coup amène à une non-cohabitation.”

Elle trouve ça dommage et s’étonne de ne plus percevoir la campagne là où elle pouvait la voir il y a encore quelques années. Les campus et la campagne auraient été compatibles sûrement. Elle tempère son propos. C’était agricole oui, mais c’était de l’agriculture intensive dit-elle.

Laetitia est assez perplexe quant à l’avenir du plateau et des choses à mettre en place pour rétablir une coexistence. Elle ne sent pas la vie ici, alors elle à du mal à se projeter. Puis elle se désintéresse de cet endroit en réalité.

“Je suis déjà venue les dimanches, par exemple. C’est une ville morte. C’est mortifère, quoi. Parce qu’effectivement… C’est plus dédié aux écoles, c’est plus dédié aux entreprises. Il y a des gens qui y habitent, je pense. Mais qu’est-ce qu’il leur faudrait ?”

Nous lui demandons alors, ce dont elle avait besoin si elle se mettait à la place de la buse ou du rouge-gorge qu’elle aperçoit régulièrement dans son jardin ?

Elle nous répond qu’elle aimerait “respirer”. “Stop aux constructions.”“Cassez vous les humains” Laetitia pense qu’il faut un rééquilibrage et que ça ne peut pas continuer comme ça.

6. Récolte de données

Typologie de moyens mise en oeuvre dans la récolte des données qualitatives

→ Enregistrements audios et prises de notes vivantes

→ Transcriptions des captations audio

→ Calques d’entretien de récit cartographié

Servant de supports aux récits lors des entretiens, les calques-cartographies sont des données complétant les transcriptions des enregistrements audios. Bien qu’ils ne soient pas au centre de notre question de recherche, ces documents complétés par les interviewés nous renseignent sur un point essentiel. En effet, nous observons une corrélation entre les zones perçues comme agréables et les zones de végétation. De même, les observations de vies non-humaines s’effectuent majoritairement au cœur de ces zones de végétation, soulignant leur importance dans l’expérience du plateau de Saclay de ses habitants et usagers. Ce temps de visualisation spatiale a d’ailleurs permis à plusieurs interviewés de se remémorer un souvenir et son lieu d’apparition. Mais a aussi eu comme effet de donner de la place à des lieux moins “importants”, hors des trajets réguliers fonctionnels. Ces moments d’attention et d’observation constituent notre objectif de récolte de données qualitatives en provoquant de riches confidences.

7. Interprétation des données : une fresque dessinée

→ Problématiques de visualisation

Une fois toutes ces données récoltées, les audios retranscrits, et les cartographies analysées, la question de l’interprétation des données se pose. Nous sommes face à une quantité de témoignages qualitatifs mêlant expériences et projections, souvenirs et imaginations. 

Comment faire le récit des témoignages des usagers de Saclay interviewés ?

Comment leurs relations aux vies non-humaines participent à nourrir un imaginaire commun du plateau de Saclay ?

→ Référence de data visualisation qualitative

L’approche de visualisation de données de Thomas Hirschhorn, artiste contemporain, nous a beaucoup inspirée dans la fusion opérée entre informations et mise en récit. Ci-dessous, vous pouvez consulter deux de ses “maps”, schémas visuels proposant une certaine lecture d’un sujet donné.

→ Fresque de la co-existence entre les vies humaines et non-humaines sur le plateau de Saclay

Nous décidons de réaliser une fresque illustrée, reconstruisant et entre-mêlant les récits des différentes personnes interviewées. Cette fresque reprend le déroulé en trois parties de notre guide d’entretien, afin de conserver la logique évolutive de notre récolte de données qualitatives. 

Notre méthodologie d’interprétation des données se structure selon 5 temps (voir schéma en support) : 

  1. Le séquençage de la fresque horizontale en trois parties (se situer sur le plateau / se rendre attentif.ve aux vies non-humaines / vers des projections idéales pour les vies non-humaines, besoins et enjeux de protection )
  2. La sélection des témoignages clés de chaque interviewé par découpage de la matière brute
  3. L’organisation des témoignages clés par groupements thématiques suivant les trois parties du guide d’entretien
  4. Le traçage d’un sentier-guide, illustrant des cheminements multiples, base de notre mise en récit
  5. Mise en page de extraits découpés des différents temps définis par les groupements de témoignages et titrage des thématiques
  6. Illustrations des temps forts extraits (vies non-humaines observées, paysages décrits)

→ Focus sur le récit mis en page et illustré de Laëtitia

La fresque peut se lire de plusieurs manières. 

Une approche méthodique serait celle de suivre le découpage en trois parties, et de consulter les groupements de récits par thématiques afin de comparer les témoignages et d’avoir un aperçu global des différentes pensées pour une même question. 

Mais une autre lecture est aussi proposée, cette fois faisant un zoom sur un.e seul.e interviewé.e / protagoniste. Nous vous proposons d’entrer dans la fresque par le prisme des mots de Laëtitia (dont l’entretien a été présenté précédemment).

Vous trouverez Laëtitia représentée en rouge dans la partie 1 de la fresque accompagnée d’indications de lieu de son domicile et de son environnement quotidien. Nous pouvons ensuite suivre les pointillés rouges afin d’être embarqués dans son récit.

Dans la seconde partie, nous nous arrêtons d’abord au niveau du thème “c’est quoi le non-humain ?”. Laëtitia nous livre sa définition, puis nous reprenons le chemin en pointillés rouges et arrivons au thème “observation / attention” où elle témoigne de l’observation d’une buse dans un champ aux abords de la route qu’elle emprunte régulièrement (illustration venant appuyer ce témoignage et ouvrant une nouvelle dimension à l’imaginaire). Ensuite, Laëtitia questionne les concepts de co-existence et de co-habitation, puis s’imagine à la place d’un oiseau.

Enfin, dans la troisième partie, elle s’interroge sur une projection idéale pour une vie non-humaine, notamment pour la buse qu’elle avait pu observer le matin même.

Le résultat obtenu nous permet de visualiser une mise en commun des témoignages récoltés. Par l’entremêlement de ces mots, nous obtenons un récit nouveau porté par les voix du plateau de Saclay s’étant rendues attentives aux vies non-humaines. Lorsque le temps des entretiens nous permettait d’éveiller l’attention des interviewés à ce qui les entoure et d’imaginer un idéal pour les vies non-humaines, cette fresque restituant ces paroles est un moyen pour faire exister ces récits alternatifs à rebours de celui de planification idéale sur le plateau de Saclay. 

8. Ouverture

Cette fresque nous à permis d’explorer des langages graphiques et des outils qui stimulent l’imaginaire et peuvent ouvrir à la discussion à partir de la visualisation des données des entretiens. Le dessin à ce pouvoir de mise en relation aisée entre des interlocuteurs, il est un outil tremplin. C’est pourquoi nous ne la considérons pas comme une finalité mais comme un outil déclinable dans de nombreuses situations et lieux de dialogue autour des questions liées au vivant.

Nous pensons que la réalisation de dessins collectifs au sein d’ateliers pourrait etre une ouverture possible de ce travail. Dessiner tous ensemble c’est aussi un moyen d’apprendre à co-exister.

Les lieux susceptibles d’être intéressés par ce type de dispositif sont les suivants : 

  • Fablab et ateliers de création
  • Bibliothèques et médiathèques
  • Écoles primaires élémentaires
  • Associations de jeunesse, d’éducation populaire

Ces ateliers peuvent s’appuyer sur une méthodologie que nous avons mis en place pour réaliser notre propre fresque.

  1. Récolte d’informations, témoignages par divers moyens (enregistrements sonores, notes manuelles, retranscription sonore)
  2. Mise en commun des informations. Travail d’arpentage littéraire : découpage des textes, lectures, commentaires.
  3. Traçage d’un sentier guide pour orienter le dessin et faire arborer les représentations réalisées sur des fragments de papier à disposer ou directement sur la feuille principale.
  4. Travail de représentation, de mise en espace, de partage de l’espace de dialogue de la fresque.
  5. Temps d’exposition et de restitution. Prise de parole des participant.es et apport des éclairages nécessaires aux choix opérés.

Cette fresque peut aussi muter dans sa forme même, elle peut devenir une livret editorial, fanzine témoignant des rencontres avec les interviewés.

Si nous devions penser au public auquel s’adressent ces recherches et ce travail de visualisation, nous pensons qu’il serait intéressant que ces dessins soient donnés à voir aux habitants et étudiants du plateau en étant apposés aux barrières de chantier du métro qui fourniraient d’excellent supports d’exposition.