Emile, Ines & Tania
“il y a généralement une marche, qui permet de découvrir une portion du monde dans sa finesse”
- LEVY, Bertrand, 2008, Marche et paysage. Le rôle de l’expérience vécue, La Revue durable, no 30, sept., 23-25, (en ligne : https://www.unige.ch/sciences-societe/geo/files/3214/4464/7601/B-Levy-Marche-2008.pdf)
Abstract :
Le plateau de Palaiseau et sa vallée s’organisent autour de grands espaces verts, forêts et bois. Lieux de trajets, le vécu diffère selon s’il s’agit d’une balade ou d’une simple traversée. Par l’étude conjointe de la forêt domaniale de Palaiseau et le bois de la Troche, nous avons voulu dissocier des usages et construire une typologie des trajets, en comparant leurs influences sur nos 5 sens. Nous avons alors supposé que le lieu et les modalités de trajets affecteraient l’expérience à la fois dans sa temporalité et dans sa sensorialité. En quoi notre temporalité de trajet influe-t-elle sur notre perception sensorielle des espaces naturels?
Le protocole de recherche repose sur l’interview d’usager·es des deux lieux et de la cartographie sensible de leurs trajets. L’usager·e est typiquement intercepté·e dans son parcours, et l’interview consiste à l’enregistrer pendant qu’iel nous raconte le trajet en cours tout en lui faisant remplir in situ la carte de la forêt correspondante. Il lui est demandé de dessiner approximativement son trajet de mémoire et d’y signifier les zones où ses sens ont été sollicités, en nous détaillant l’expérience selon un code couleur (vue, ouïe, odorat, goût, toucher).
Cette méthode de cartographie de récit des trajets nous a permis de collecter et comparer des données relevant d’expériences singulières sur deux lieux d’enquête. Nous avons recensé les sens les plus et les moins sollicités selon les populations observées, et en avons comparé les proportions. Nous avons également étudié de façon plus qualitative les entretiens et les éléments sensibles qui revenaient dans leurs discours. Nous avons rassemblé ces différentes entrées sous la forme de trajets animés et de cartes sensibles dont les sens guident l’intensité des couleurs.
L’hypothèse de départ selon laquelle les modalités de trajets affectent l’expérience se vérifie. En termes de temporalité, les promeneur·euses prennent plus le temps pendant leur promenade que les traverseur·euses, plus pressé·es. En termes de sens, ils ne sont pas sollicités de la même manière selon les trajets. Dans la forêt par exemple, où ne sont relatées que des promenades, tous les sens sont plus sollicités par ses promeneur·euses que par celleux du bois. Les thèmes sensibles abordés varient statistiquement peu selon le type de trajet : les mêmes objets, sensations, lieux reviennent dans les entretiens.
Notre objectif était de mettre en évidence l’influence des dispositions des agent·es sur leur expérience dans les lieux boisés de Palaiseau. Nous avons ainsi dressé des tableaux sensibles du bois de la Troche et de la forêt domaniale, par le biais d’un exercice in situ, couplage d’un récit et d’une cartographie portant sur les aspects sensibles du trajet effectué. Nous avons pu mesurer une différence d’intensité plutôt qu’une disparité thématique entre les réponses des traverseur·euses et des promeneur·euses.